Les gratitudes, Delphine de Vigan. JC Lattès, 03/2019. 173 p. 17 € *****
Michèle, surnommée Michka, vieillit. Les mots commencent à lui échapper, elle les oublie, ou les confond. Marie, celle qui tient dans sa vie le rôle de la petite-fille, constate sa lente dégradation, d'autant plus insupportable que Michka était correctrice pour un grand magazine. Mais avec les mots perdus, c'est toute sa vie qui devient difficile, au point que Marie doit la placer dans un EHPAD. Marie et Jérôme, l'orthophoniste, racontent en alternance les derniers mois de Michka.
Ce court roman, trop court peut-être, raconte à deux voix la dégénérescence intellectuelle, et le désarroi de celle qui en est victime ; il dit aussi l'affection qui unit les deux femmes, la complicité qui se noue avec l'orthophoniste. Delphine de Vigan aborde ce thème grave de la fin de vie avec délicatesse et parfois de la drôlerie qui fait pleurer lorsque Michka confond les mots, en invente d'autres, disant le Catalogue des Trois Cuisses ou si pas tant, même s'il est insupportable, pour une intellectuelle comme elle, de voir les mots lui échopper, lui écharper : "A la fin, il n'y aura plus rien, plus de mots, tu comprends, ou bien n'importe quoi, pour remplir le vide. Tu imagines, un monospace… un monoglotte de vieille peau, toute solifère", dit-elle à Marie. Après Les loyautés, qui évoquait les promesses qu'on se fait à l'enfance, et qui sont le sel et le poison de l'existence quand on essaie tout du long de leur être fidèle, Delphine de Vigan aborde dans Les gratitudes ce merci que l'on n'a pas toujours le temps de dire à ces rares êtres auxquels on doit tant.
Catégorie : Littérature française
sénilité / vieillesse / famille /
Posté le 21/08/2019 à 18:08