2023/25 Petite sale, Louise Mey. Le Masque, 01/2023. 374 p. 21,50 € ****
Hiver 1969, quelque part en France. Tout le
village travaille pour « Monsieur », qui gouverne tout son domaine
d'une main de fer, avec pour seul objectif : en tirer un maximum de profit.
Personnage détestable et despotique, il est craint de tout le monde, à
commencer par les domestiques, notamment les femmes, qui n'osent jamais se
rebeller et vivent sous le joug de ce seigneur d'un autre âge. Mais voilà que
Sylvie, sa petite fille âgée de quatre ans, échappe à la surveillance de
Catherine, une bonne à tout faire d’une discrétion de fantôme. Il s’avère que l’enfant
a été enlevée, et qu’on réclame une rançon. Deux policiers arrivent de Paris
pour épauler les gendarmes, mais l’enquête piétine.
Le froid, la neige, la misère. Et la boue
surtout. La terre fangeuse conditionne la vie des habitants du Domaine : on y
plante des betteraves qui s’étendent sur tous les champs achetés peu à peu par Demest,
une sorte d’ogre qui ne fait rien qui ne soit rentable ; on y patauge sans
plus y prendre garde tellement on s’y est habitués ; on y vit et on y
meurt sous le joug d’un tyran sans sentiment, capable d’incendier une grange
avec des vaches au prétexte que les bêtes rapportent plus mortes que vivantes. D’ailleurs,
c’est moins son affection pour sa petite fille que le coût de la rançon qui l’a
motivé à faire appel aux gendarmes. Demest fait vivre la moitié des habitants
de la commune, qu’il maintient dans une relation de dépendance dont ils ne
peuvent sortir. Quant aux femmes, elles le fuient tant qu’elles peuvent.
Catherine a appris à devenir invisible, muette, peu attirante, tant et si bien
que Mme Demest l’a surnommée la Petite Sale, et qu’elle est cantonnée aux
tâches ménagères. Elle ne dit rien aux deux flics venus de Paris, et qu’aurait-elle
à dire, elle que l’on considère comme simple d’esprit ? Le récit donne
alors la parole à Gabriel, l’un des membres du duo parisien, qui souffre du
froid et de la pluie, patauge dans la fange et maudit ce pays et cette enquête,
qui l’éloignent de sa Claudia et de ses tendres « Caro mio ».
Roman d’atmosphère et roman noir, ce récit
nous plonge dans la réalité rurale de la fin des années 60, où les salles de
bain sont encore un luxe, et dans un monde glaçant où le droit de cuissage reste
d’actualité. Il n’est pas exempt de longueurs, mais l’intrigue se noue point par
point, efficacement, pour justifier de façon imparable les motivations des
ravisseurs.
Catégorie :
Littérature française
milieu
rural / hiver / froid / boue / famille / patriarcat / exploitation agricole /
esclavage /
Posté le 29/03/2023 à 17:35