2023/12 L’allègement des vernis, Paul Saint Bris. Philippe Rey, 01/2023. 347 p. 22 € *****
Aurélien est directeur du département des
peintures du Louvre. La nouvelle présidente du musée lance un audit pour
décider de la restauration éventuelle de la Joconde, dont les couches
successives de vernis ont estompé les couleurs originelles du tableau. Le projet
validé, Aurélien est chargé de trouver un restaurateur assez expérimenté et
audacieux pour s'attaquer au chef d'œuvre de Vinci. Il épluche les devis,
consulte des experts, et finit par dénicher la perle rare, en la présence d’un
maître italien qui se rend à Paris et entame le travail, sous l’œil des
spécialistes et des caméras du monde entier…
Pendant ce temps, Homero, un agent
d’entretien, assure l’entretien de la salle des Caryatides, aux commandes de
son autolaveuse. Au son des Quatre saisons de Vivaldi, il passe entre les
statues qu’il frôle du bout des doigts, en une chorégraphie savante et
dangereuse qui lui vaudra d’attirer l’attention d’Hélène, la responsable de la
statuaire antique. Avec la fin du contrat qui lie le Louvre à la Coprotec qui
l’embauche, Homero est affecté par Hélène à l’entretien de la Grande Galerie
des peintures, où est exposée la Joconde. S’il regrette son autolaveuse,
l’homme tombe amoureux du tableau, qu’il contemple à l’envi pendant ses nuits
de travail, jusqu’à ce que le projet de restauration l’en prive. Ce personnage
est loin d’être anecdotique, et va même jouer un rôle crucial dans le
dénouement du récit. Il a même une autre fonction, celle d’être en quelque
sorte le miroir inversé d’Aurélien, contemplatif lui aussi, et sensible à la
beauté des œuvres malgré son manque de culture ; alors que le couple
d’Aurélien se délite, Homero connait une aventure charnelle au sein du musée. A
travers le destin de ces deux personnages bien campés, trois si l’on ajoute l’Italien
Gaetano, c’est aussi celle d’un tableau restauré à plusieurs reprises au fil
des siècles, dont on se demande si en retirer des couches de vernis ce n’est
pas ôter de la valeur à l’œuvre, dont l’auteur comptait peut-être que le portrait
de Mona Lisa se patine avec le temps ? Le roman prend ainsi une dimension
didactique sans pour autant jamais perdre de son intérêt narratif, et aborde
par ailleurs la question de la rentabilité des musées et de la politique
marketing pour en assurer une fréquentation suffisante. La restauration du
tableau le plus célèbre du monde est-elle motivée par de réelles préoccupations
artistiques ou par une réalité bien plus mercantile ? On trouvera dans
l’ultime rebondissement, peut-être, un élément de réponse, comme un pied de nez
aux analyses et commentaires des spécialistes de l’art. Un régal.
Catégorie :
Littérature française
peinture / Vinci / Italie / Renaissance / restauration / art / musée /
Posté le 29/03/2023 à 17:18