2022/23 Paris-Briançon, Philippe Besson. Julliard, 01/2022. 203 p. 19 € *****
A bord de l'intercités de nuit n°5789 sont montés une centaine de passagers. Parmi eux un médecin, une mère de famille et ses deux enfants, un représentant en articles de sport, un joueur de hockey, un couple de sexagénaires retraités, et cinq étudiants. Au cours du trajet, les voyageurs font connaissance, se livrent aux à confidences que permet ce huis clos nocturne... alors que certains d'entre eux, nous dit l'auteur dès le début du roman, n'arriveront pas vivants à destination.
Quel drame menace ces quelques personnages qui ignorent évidement tout du destin qui les attend ? Le lecteur n'en sait rien encore, pris en otage par une information glaçante qui revient comme une antienne au fil du récit. A bord de ce train qui file dans la nuit, il suit les aveux, les prises de conscience, pressentant que, pour les survivants, rien ne sera pareil – bien sûr, ils auront échappé à la mort, mais ils se seront révélés à eux-mêmes. Et pour s'épancher, se découvrir et se trouver, quoi de mieux qu'un inconnu qu'on ne reverra jamais, dont on se fiche qu'il nous juge ? Tout le talent de Philippe Besson est là, dans la précision, la justesse, le détail, dans ces situations si vraisemblables, si réelles qu'on a l'impression d'être monté avec les passagers, d'entendre ces vies si différentes que le hasard, un changement d'emploi du temps ou la destinée a réunies. On pourrait, si ce n'était pas si galvaudé, songer à la mélancolie si poignante des personnages peints par Hooper, qui vous saisit le cœur – les Noctambules avaient d'ailleurs inspiré à Besson L'arrière-saison, il y a quelques années. Alors, à la lecture de ce roman, on les imagine, ces voyageurs, auxquels on donne des teintes chaudes et le côté délicieusement suranné des années 50, debout dans le couloir, leurs reflets dans les fenêtres, s'allongeant sur leurs couchettes, jouant aux cartes, tandis que le train traverse les campagnes et s'enfonce dans la nuit, vers Briançon et son destin.
Catégorie : Littérature française
train / voyage / nuit / confidences / destin / fatalité /
Posté le 07/03/2022 à 17:55