Bénie soit Sixtine, Maylis Adhémar. Julliard, 08/2020. 296 p. 19 € *****

         Sixtine est issue d'une famille profondément catholique. Très pieuse elle aussi, elle rencontre Pierre-Louis Sue de la Garde (ça ne s'invente pas) qui ne tarde pas à la demander en mariage. Le jeune couple emménage à Nantes. Mais Sixtine n'est pas heureuse : les rapports intimes avec son mari sont tout sauf satisfaisants, et, très vite enceinte, elle supporte mal sa grossesse. Autour d'elle, sa belle-mère lui serine qu'elle doit endurer ses douleurs sans se plaindre, comme une bonne chrétienne. Sixtine culpabilise, s'astreint aux prières, accepte de tenir le rôle de "croisée" dont on la charge, et craint de décevoir un mari souvent absent, fort actif dans un groupe catholique d'extrême-droite appelé Les Frères de la Croix. Mais au cours d'une manifestation entre les membres du groupe et des militants gauchistes, elle commence à ouvrir les yeux sur un monde qu'elle ignorait.

         Sixtine vit dans un autre monde. Un monde où une femme enceinte n'est pas fatiguée, supporte ses nausées avec le sourire et n'envisage pas d'accoucher sous péridurale. Tu enfanteras dans la douleur. Un monde où l'acte sexuel se borne à cinq minutes d'une gymnastique douloureuse et décevante. Un monde bien comme il faut, bien rangé, où l'on porte jupe longue et mocassins plats, et où l'on récite le rosaire pendant une heure à genoux – enceinte ou pas. Ce début de roman fait bigrement songer à la série Unorthodox récemment diffusée sur Netflix, qui mettait en scène un milieu juif ultra-orthodoxe. Les intégrismes se ressemblent, tout autant que cette façon de vivre hors du monde réel, et de perpétrer des traditions désuètes et, pour certaines, dangereuses. On frôle le sectarisme. Sixtine est comme Esther à ce point embrigadée dans des valeurs et des croyances d'un autre âge qu'il lui faudra du temps pour réaliser pleinement la dangerosité du monde dans lequel elle vit. Ce n'est qu'une fois devenue mère qu'elle ouvre enfin les yeux et qu'elle a le courage de fuir. Il en va de sa survie. Cependant, son intégration dans le monde réel ne va pas de soi et montre à quel point il est difficile, et douloureux, de se libérer de tous les réflexes inculqués depuis l'enfance. Sixtine ne renie ni sa foi ni ses valeurs, elle découvre l'humanité.

 

Roman lu dans le cadre des "68 premières fois"

 

Catégorie : Littérature française

religion / intégrisme / famille / emprise / liberté /


Posté le 12/02/2021 à 10:58