Antonia, journal 1965-1966, Gabriella Zalapi. Zoé éditions, 02/2019. 99 p. 12,50 € ***
A Palerme, dans les années 60, Antonia a épousé un homme qu'elle n'aime pas, dont elle a eu un fils. Elle s'ennuie, étouffe, dans cette vie bourgeoise alors qu'elle rêve d'horizons libres. La découverte de lettres et de photos suite au décès de sa grand-mère lui font prendre davantage consciente de l'insatisfaction qui est la sienne. "Antonia, écrit-elle, tu dois : émerger, apparaître, sortir, te montrer, jaillir des tréfonds, manifester ta présence. Qu'attends-tu ?". Dans le journal qu'elle tient sur un an et demi, elle raconte les souvenirs de sa vie passée, sa souffrance actuelle, sa mélancolie, ses déceptions, ses difficultés à être une bonne mère. Elle dit aussi son dégoût pour son mari et cette vie étriquée qu'il lui fait mener. Au bout de dix-huit mois d'écriture, elle se décide enfin à exister, et à faire craquer les coutures du corset dans lequel elle était enfermée. On pourrait reprocher à ce récit diariste sa brièveté, cette concision me parait cependant suffisante pour rendre compte du cheminement progressif qu'elle parcourt. En revanche, on se perd un peu dans le nombre important de membres de la famille et des liens qui les unissent – ou les séparent -, ce qui aurait mérité, pour le coup, quelques pages supplémentaires.
Roman lu dans le cadre des 68 premières fois
Catégorie : Littérature française
Italie / années 60 / couple / ennui / mélancolie /
"Oublier le climat myope de ses yeux
Oublie ce qu'il disqualifie et surtout son acharnement
Oublier ce long et interminable couloir
Oublier de préparer le déjeuner. Oublier de ranger
Oublier de suivre le programme
Oublier de le questionner sur sa journée
Perdre la liste des choses à faire
Feindre des migraines régulièrement
Oublier de fermer les fenêtres
Oublier son corps liquide
Oublier la laideur
Ignorer les bouts d'ongles qui traînent sur le bord du lavabo
Relire si nécessaire" p.66
"Franco est un homme tiède, sans courage. Sa vie s'étend sur quelques mètres carrés. Parler avec lui c'est restreindre mon horizon, restreindre mon vocabulaire, restreindre mon imaginaire. Franco porte une minerve qui l'empêche de regarder à gauche et à droite, et moi une camisole de force de perfect house wife. Où allons-nous ainsi ?" p.71
Posté le 21/06/2020 à 17:32