La salle de bal, Anna Hope. Trad. de l'anglais. Gallimard, 11/2017. 383 p. 22 €
La jeune Ella Fay est internée à l'asile de Sharston. D'abord révoltée, elle se fait à la vie quotidienne de l'établissement où hommes et femmes vivent séparés, les uns travaillant aux champs ou comme fossoyeurs, les autres cantonnées à la blanchisserie. Seul moment de rencontre pour les pensionnaires, le bal du vendredi soir dont l'orchestre est dirigé par le Dr Fuller. C'est là qu'Ella va faire la connaissance de John Mulligan, un Irlandais taciturne…
Trois voix se croisent dans ce récit, chacun révélant une part de sa vie, notamment Charles Fuller, musicien à l'ambition rognée par les exigences paternelles, ce qui lui vaut d'avoir obtenu le poste de médecin assistant à Sharston, où il expérimente les bienfaits de la musique sur les malades mentaux tout en songeant au bienfondé de la ségrégation entre hommes et femmes à l'œuvre dans l'asile. Petit à petit, il en vient à prendre parti pour la généralisation de la stérilisation pour les indigents. Ce personnage est sans doute le plus complexe des trois : il tâche d'obtenir de son directeur le droit de participer au congrès organisé à Londres par la Eugenics Education Society, tout en luttant contre son homosexualité latente. Il va d'ailleurs être à l'origine du malheur d'Ella et de John, pour lesquels le lecteur ne peut qu'éprouver une forte empathie.
L'histoire, brodée à pas menus, dans la touffeur de cet été anglais anormalement chaud, nous plonge dans le fonctionnement d'un asile d'aliénés au début du siècle, avec tous ses excès et sa cruauté, et nous fait découvrir les grandes théories scientifiques en vogue à l'époque et qui font froid dans le dos, l'eugénisme et la vasectomie appliquée sans anesthésie par un des grandes chantres de la stérilisation de masse. L'ensemble est passionnant, écrit dans une langue fluide, pour un très beau moment de lecture, qui allie élégance, intrigue et dépaysement.
Roman lu dans le cadre du Prix des Lectrices de Elle
Catégorie : Littérature étrangère
Grande Bretagne / folie / 19ème siècle / amour /
Posté le 10/01/2018 à 13:40