Des milliers de lunes, Sebastian Barry / trad. de l'anglais. Joëlle Losfeld, 08/2021. 237 p. 21 € ****
Paris, Tennessee, deuxième moitié du 19ème siècle. Winona, jeune Indienne qui a assisté au massacre de toute sa famille, a été adoptée par John Cole et son compagnon Thomas McNulty. Elle grandit dans la ferme de Lige Magan où ils travaillent tous deux, avec deux esclaves affranchis, Rosalee et Tennyson Bouguereau. Winona est agressée et violée, mais le choc a effacé le souvenir de son agresseur. Un peu plus tard, Tennyson est lui aussi attaqué et grièvement blessé. On soupçonne un groupe de marginaux criminels que le colonel Purton, chargé de la justice, décide de disperser avec l'aide de la population.
Dans ces contrées rurales, alors que les blessures de la guerre de Sécession restent vivaces, il ne fait pas bon être indien ou noir. Tennyson et Winona l'apprennent à leurs dépens. La jeune fille, qui grandit au sein d'un couple peu ordinaire pour l'époque – Thomas McNulty a participé dans sa jeunesse à des spectacles, habillé en femme, et le proche entourage des deux hommes ne semble pas blâmer les liens qui les unissent – est avide d'une liberté que son père adoptif semble lui concéder volontiers. L'histoire est habilement construite, l'auteur sait tirer avec intelligence et finesse les conséquences progressives de chaque événement, tandis que se dessinent de nombreuses questions liées à l'humain : la question de l'identité et du devenir des populations indiennes, la ségrégation, mais aussi, de manière latente, l'homosexualité et la misogynie.
Posté le 19/08/2021 à 09:32