Fragment 1 : lit
Un lit défait, une couette froissée. Un oreiller
qui garde encore l’empreinte de la tête qui s’y est posée. Autour, quelques
éléments, un cache-radiateur peint en blanc, dont la porte est entrouverte, une
lampe sur pied, un chevalet ; au premier plan, les lattes d’un parquet chevron
et le cadre du lit. Ils importent peu, seul compte ce lit vide, qui vient
d’être quitté et laissé tel quel du désordre de la nuit. Seuls comptent ce lit
quitté donc, et les traces d’une présence éphémère, cette couette repoussée au
lever, ce creux de l’oreiller qui disent que quelqu’un a dormi là, dont le
passage a été fixé par la prise de vue.
Ce
vide n’en est pas un, c’est tout le paradoxe : il dit la présence en creux, il
affirme - j’ai été là, je suis encore un peu là.
« Dans le creux que laisse apparaître une
empreinte, et par lequel un mouvement dans le temps prend forme dans
l’espace, on peut voir que quelqu’un
ou quelque chose est passé. La présence de la trace témoigne de l’absence de ce
qui l’a formée. […]. La trace ne rend jamais présent ce qui est
absent ; elle représente la non-présence de l’Absent. Les traces ne donnent pas à voir ce qui est
absent, mais plutôt l’absence même. » Qu’est-ce
donc qu’une trace, et quelle est sa fonction épistémologique ? État des
lieux / Spur. Spurenlesen als Orientierungstechnik und
Wissenskunst, Sybille Krämer.
Suhrkamp,
2007.
Photo
J-M.C
Posté le 18/01/2023 à 16:33