La mort des héros
Ca y est, ils sont mariés. Jouez hautbois, résonnez musettes, après bien des déconvenues, péripéties, hésitations, fausses ruptures et vraies retrouvailles, rival retors et lutte des classes, le couple est enfin prêt à incarner l'adage "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Mais. Un tracteur croisé sur un chemin de campagne et voilà le jeune marié écrabouillé tout sanglant au sol. Une guerre et une balle de trop et l'avenir du jeune homme prometteur est compromis. Une maladie aussi soudaine que fulgurante et incurable emporte la jeune épousée vers des joies moins terrestres. Et le spectateur, qui a vécu trois saisons de dix épisodes chacune, tremblé, espéré, jalousé, pleuré, ri avec le candidat à la vie éternelle, d'être incrédule, furieux, déçu, et de crier au scandale. Non, pas lui ! Noooon, pas elle ! Ce n'est pas possible ! Et si. Jack Thornton n'a passé que sa nuit de noces avec sa jeune institutrice d'épouse qu'il meurt sur le champ de bataille ; Matthew Crawley tout à sa joie d'être papa ne voit pas le tracteur fatal qui le fait quitter la route ; sa belle-sœur Sybil meurt en couches, laissant son chauffeur de mari communiste et Irlandais se débattre tout seul contre les préjugés de classe. Une courte recherche apprendra au téléspectateur frustré que les acteurs ayant d'autres projets, les scénaristes n'ont eu d'autre choix que de faire mourir leurs personnages. Et débrouille-toi ensuite pour écrire la suite de l'histoire – on se croirait dans Saga, de Tonino Benaquista.
Depuis, chaque fois qu'autour de moi quelqu'un a la mauvaise idée de passer l'arme à gauche, je me demande ce qu'il avait de mieux à faire et ce que le mystérieux scénariste à l'œuvre en coulisses va bien pouvoir inventer ensuite.
Posté le 22/09/2021 à 17:37