Danse à la maison
Dimanche,
10 heures du matin. Les vidéos de promotion de l'école cèdent la place à un
studio. A la barre face caméra, une jeune femme brune nous souhaite la venue
pour ce nouveau cours et montre le premier exercice. Elle
compte avec un fort accent italien, en roulant les r, pré-pliés pour se mettre
en jambes et tirer un peu le dos, facile. One, two, thrrrre, fourrrr, le piano
égrène un adage, le corps se réveille doucement, ça tire un peu dans la colonne
vertébrale, ça fait du bien. Aux pliés maintenant : deux demi-pliés en
première, un grand, ramassé en avant, sentir ses ischio-jambiers, je rajoute un
équilibre sur demi-pointes pour corser l'exercice, ça tient. Dégagés, je
dédouble les comptes pour travailler un peu plus, je suis trop sûre de moi et
me trompe à gauche. Ronds de jambe à terre, j'essaie de reproduire ce mouvement
de l'Italienne avec le haut du corps tout en retenant le port de bras
inhabituel, ça coince un peu. Je pars de côté, la chaise que je cramponnais
glisse sur le sol. M'acheter une barre. Le chat patiente stoïquement devant la
porte-fenêtre, je zappe les explications de détail de l'exercice des fondus pour
lui ouvrir, je rattraperai. En seconde position, retiré au genou, développé,
deux ronds de jambe en dehors, ma tendinite à la hanche gauche se rappelle à
mon bon souvenir. Finir équilibre attitude et développé, la cheville tremblote,
gainer les abdos, se grandir, je tiens quelques secondes et termine à peu près
proprement.
Je commence à avoir chaud et retire mon pull. Petits battements sur le coup de pied, je dédouble encore, rate un relevé à la fin. Le chat gratte pour rentrer. Je lui ouvre et manque la démonstration de l'adage, heureusement l'exercice est lent. Développé arabesque, mon pied heurte la table du salon, je me décale de cinquante centimètres, pas plus car après c'est le canapé. Grands battements, je range la chaise trop légère pour me tenir au mur. Du mal à développer la jambe gauche à la seconde, ça fait un point douloureux quand elle redescend. L'Italienne nous souhaite une bonne journée, le chat s'est assis sur le pouf et me regarde l'air souverain en cliquant des yeux, indifférent aux assouplissements que je fais sans musique.
Mais j'ai encore envie de bouger. La marche des Turcs de Lully pour des dégagés que je veux somptueux avec des ports de tête opposés et des grands bras. Je fais appel à ce que je connais de la danse baroque, mes pieds s'agitent, coupent, relèvent, secs, précis, il faudrait y mettre des brisés et des entrechats mais je crains de déranger le voisin du dessous en sautant. Quelques déboulés, j'essaie une pirouette mais le parquet trop glissant manque de me faire chuter, je manque soudain d'inspiration et de souffle et m'arrête pour respirer tandis que les cuivres résonnent dans le crescendo final. Le chat s'est roulé en boule. Vivement la réouverture des salles de danse.
Posté le 15/03/2021 à 09:52